Un projet culturel

 

Réaliser un film avec un téléphone portable : de la créativité à la citoyenneté

Le téléphone portable est dans toutes les poches. Qu’on le veuille ou non, cet objet commercial a changé notre vie : éclatement de la sphère privée, évolution de la perception de l’espace et du temps, nouvelles façons d’écrire… notre prothèse de communication ne nous quitte jamais. En 2004, la caméra vidéo est arrivée dans les téléphones. Tous les adolescents ont désormais un téléphone-caméra. Et d’ici peu, il n’y aura plus de téléphones sans caméra. Elle est obligatoire, car elle est là pour nous vendre de nouveaux services ! Comment, en tant qu’éducateur, animateur, accompagnant, la retourner pour en faire un outil d’éducation et de socialisation ?

 

iMédiaCinéma, un dispositif d’éducation populaire aux images 2.0

iMédiaCinéma fonde sa démarche autour d’un manifeste, d’une méthode et de formes et contextes d’activités. Ces éléments ont été petit à petit élaborés pour répondre à trois besoins exprimés par les différents acteurs de ce champ, et validés sur le terrain avec les jeunes, depuis trois ans :

- montrer la diversité des contextes éducatifs et culturels autour des images numériques – les offres et les formes d’ateliers – et plus seulement les pocket films, ou les formes traditionnelles de l’éducation à l’image – cinéma, vidéo. Cela a impliqué de travailler sur la notion plus large «d’ images en mouvement » ou plus simplement « d’image 2.0 » ;

- proposer d’autres modes de mobilisation des jeunes que la compétition, en privilégiant et en proposant des moments de rencontres apprenantes, de pairs à pairs, et aussi festifs et conviviaux, en lien avec leurs pratiques culturelles;

- articuler plus fortement un travail esthétique et culturel sur les images dans le cadre d’un dispositif d’éducation populaire pour élaborer de véritables processus de médiation et de médiatisation donnant des valeurs culturelles nouvelles à ces images.

Initié à Vitrolles dans le cadre du Festival des Initiatives de Jeunes en 2013, avec Benoit Labourdette – Quidam Production – iMediaCinéma s’est développé avec les structures culturelles, numériques, vidéos de la métropole, du département et des médiathèques. Se sont associés les structures d’éducation à l’image régionales puis les médias citoyens. Ce travail est suivi par la DRDJSCS et rentre dans le cadre du Fonds d’Expérimentation Jeunesse de Ministère de la Jeunesse et de sports.

 

La méthode : un outil de discernement des images en mouvement

L’enjeu du projet est de développer une démarche innovante de créativité et de création liées à la pluralité des formes et des statuts des images numériques, avec et pour des jeunes. Cette démarche favorise à la fois la construction de points de repère sur les images numériques, met en dialogue ces formes culturelles contemporaines des jeunes avec les pratiques de création artistique (un enjeu pour interpréter le monde), et favorise une autonomie par la participation active à la construction d’espaces de diffusion, de médiatisation et de valorisation de ces cultures (un enjeu pour y prendre place). La créativité numérique permet de construire son regard sur le monde, le partager/le diffuser, et ainsi apporter une contribution concrète à sa construction. Ces pratiques créatives indisciplinées affleurent en permanence des processus de création contemporaine sans pour autant revendiquer des intentions artistiques, mais plutôt des médiatisations « spectaculaires ». Les processus de création et de diffusion sont de pairs à pairs et constituent un espace d’apprentissage et un espace médiatique en même temps. Les enjeux d’une éducation aux images 2.0 (que ce soit l’éducation ou l’image) relèvent de cette spécificité.


Est alors mise en œuvre une méthode d’éducation populaire qui articule médiation numérique, éducation à l’image et accompagnement à la participation :

> Des pratiques existantes

Il s’agit de proposer un mode d’expression innovant pour les jeunes, utilisant les technologies numériques et le web pour produire et diffuser des images. Un mode d’expression qui participe à reconnaître les cultures contemporaines. Pour ce faire, une double dynamique articule :

- la notion de valorisation pour changer l’image des jeunes et de leurs expressions pour sortir de la dualité amateur / professionnel

- un cadre pour proposer des références artistiques, culturelles et sociales de ces nouvelles pratiques pour en accompagner le développement

> S’approprier les outils par de la participation

L’objectif est de passer d’un mode de consommation passif à une consommation active en devenant acteur, réalisateur de ses propres films, en participant à un projet culturel dédié aux expressions des jeunes, pour :

- donner du sens à l’acte de filmer, et se former à cette pratique

- en faire une pratique créative voire une démarche artistique

> Prendre du recul vis-à-vis d’une pratique quotidienne, et d’une technologie

Il s’agit de développer une posture critique par rapport aux outils numériques mobiles, au flux continu et omniprésent des images et des contenus sur internet. Et ainsi, envisager des questionnements autour :

- d’un volet prévention : Que signifient ces images ? C’est quoi « mon identité numérique » ? Comment la contrôler ? Qu’est-ce que je montre ?

- des possibilités offertes par ces outils numériques, notamment pour l’émancipation citoyenne

- de nouvelles formes de médiation : l’enjeu de la diffusion, de la publication

 

Une méthode d’innovation culturelle

→ Capacitation, l’enjeu du collectif

- Construction d’une « communauté » iMédiaCinéma qui s’élargit sur les réseaux sociaux (page Facebook du projet et blog de plus en plus suivis et consultés), et qui mêle des réalisateurs amateurs avec des professionnels.

- Utilisation d’une méthode de travail collaborative avec un comité de pilotage mensuel qui regroupe l’ensemble des partenaires, incluant les jeunes (services civiques, emplois d’avenir), des outils de remontée d’information.

→ Facilitation, l’enjeu de l’essaimage

- Multiplier les formes d’expérimentation du dispositif à l’échelle métropolitaine à travers des outils pédagogiques et des méthodes d’accompagnement pour permettre un transfert de compétences et de savoirs.

- Faire se rencontrer et mailler un réseau d’acteurs de l’éducation populaire, des structures socio-culturelles et des acteurs des arts et des cultures numériques à l’échelle métropolitaine (temps de travail, temps de rencontres).

 

Les activités

Le principe est de proposer aux jeunes des contextes de rencontre divers : ateliers de pratiques, workshop, formation, participation à des créations artistiques, diffusion lors de festivals, rencontres avec des professionnels … Et pour valoriser et fédérer ces contextes, une rencontre annuelle rassemble tous les jeunes touchés et acteurs associés. iMédiaCinéma ouvre une place aux jeunes qui développent seuls ou en collectif leurs projets de création et s’ouvre sur des productions au-delà de celles réalisées dans l’année par les différentes structures partenaires, qui trouvent dans iMédiaCinéma un contexte culturel pour partager leurs travaux d’ateliers, et participer à un travail collectif de réflexion et d’apprentissage sur ces formes.

Le principe de rencontre vient concrétiser les pratiques d’apprentissage de jeunes qui se jouent essentiellement de pair à pair, des tutoriels, des discussions sur les forums, qui ne passent plus par les « institutions » et canaux classiques. Le travail mené depuis 3 ans révèle le fait que pour autant il n’y a pas de rejet de ces « institutions » – Ecole, structures culturelles, collectivités … – , mais qu’elles n’offrent que peu de situations d’apprentissage des nouvelles pratiques, et surtout qu’elles ne les prennent pas en compte, ne les « légitiment pas ». Dans le même temps, ces pratiques deviennent massives et de nouveaux intermédiaires culturels uniquement commerciaux se construisent (Youtube, Facebook, etc.). Les jeunes rencontrés cherchent des espaces pour partager leurs initiatives et les inscrire dans ces cadres culturels collectifs valorisant – médias, festivals …

1. Les rencontres tout au long de l’année

> Ateliers, workshop, laboratoires : Mettre en place des temps de créativité qui permettent de faciliter l’émergence de projets individuels et collectifs ou le travail sur des réalisations de groupes.

> Projet artistique : faciliter la rencontre avec un projet artistique pour confronter et articuler création et créativité, travail artistique et pratiques amateurs dans un régime numérique qui voit fortement évoluer le statut de l’auteur.

> Des temps de diffusion métropolitaine: En plus du temps festif de rencontre, les différentes productions sont présentées dans les différents lieux de réalisation. Ces multiples programmes permettent d’approfondir la dimension métropolitaine du projet à l’Alhambra, ZINC et Planète Émergences à Marseille, Seconde Nature et l’Institut de l’image à Aix-en-Provence, la médiathèque, le BIJ et l’Eden à La Ciotat, etc.

Ces temps et contextes de rencontres sont produits et coproduits avec les partenaires du projet.

2. Un événement-rencontre annuel

Un temps de rencontre pour diffuser les créations réalisées tout au long de l’année par les jeunes. Elles sont constituées de Masterclass entre amateurs et professionnels, des animations de découverte de pratiques, des activités évènementielles pour le grand public, des diffusions des films, et des croisements de toute sorte !

3. Un dispositif de formation : Caméras Mobiles

« Caméras Mobiles » c’est une rencontre professionnelle et des sessions de formation permettant l’élaboration collective d’une réflexion et de moyens d’actions. Il s’agit de travailler sur le « pouvoir d’agir » des animateurs, des responsables de structures, des éducateurs, voire des parents. Le principe de ces formations est de se nourrir de la créativité des formes d’expression et des œuvres « en régime numérique », en se mettant en situation d’en produire en même temps. C’est une manière de les observer, de les élaborer ensemble, de les qualifier.

Trois points paraissent importants pour mener le travail de formation – accompagnement des pratiques et discernement de ces « images » :

- la relation entre créativité et création du fait des dispositifs de réception/production ;

- la dynamique d’éducation comme une alphabétisation numérique et une dynamique de professionnalisation ;

- la manière de constituer des points de repères par l’expérience : il est complexe de se situer « à l’extérieur » de ce champ pour l’instant. Nous devons nous donner les moyens d’élaborer de la pensée depuis les pratiques par un processus d’observation et de production permanent.

« Caméras Mobiles » vient ainsi proposer un format de journées de formation pour :

- accompagner les pratiques de communication et d’expression des jeunes; pratiques intimement liées et nouvelles, complexes à appréhender, mais très référentielles.

- accompagner à « discerner » ces images. Donner ainsi les moyens à des professionnels de poursuivre et approfondir un travail de qualification de la production et de la diffusion des images « en régime numérique ».