Contexte

Le Principe

Le principe du pocket film est d’être réalisé avec un téléphone portable. Il constitue une transformation de l’usage quotidien que l’on a de cet outil. C’est questionner la relation que nous avons à l’objet qui importe; aller au-delà d’une position de simple consommateur, remettre en cause les codes établis dans une société du « toujours plus connecté partout et à tout moment ». C’est prendre en main son environnement, et en avoir un regard différent. Faire un pas de côté pour mieux comprendre ce qui nous entoure. Déplacer le regard que l’on a sur notre quotidien, pour en avoir une vision plus large. Modifier la focale. Prendre du recul.

C’est se construire une position critique et qui nous est propre dans une société qui dicte la façon dont les choses doivent être consommées. L’objet est là, il est partout ; nous nous en saisissons comme un moyen d’émancipation et d’expression personnelle.

C’est aussi une transformation de ce qui est considéré comme étant d’ordre artistique qui s’opère. La culture est partout, elle se situe dans chacun de nous. Une habitude, un mode de vie, une anecdote, une aventure du quotidien, toute chose est susceptible d’être invoquée et utilisée dans une démarche artistique. La culture qui vient du bas ? C’est surtout de la culture que nous vivons tous les jours dont nous parlons ici. Nous sommes construits par notre environnement, c’est ce qui fait de nous des êtres culturels. Notre singularité vient enrichir le « nous » que nous formons, à différentes échelles. Exprimer ce « nous », ce « je » avec des moyens ordinaires, partagés par tous, permet une reconfiguration de ce qui fait société, une réappropriation de tout ce qui nous entoure et nous touche.

 

Le téléphone-caméra au coeur du social

Les adultes utilisent leur téléphone portable pour téléphoner. Ce n’est pas le cas des adolescents ! Le téléphone portable, objet indispensable à la socialisation, leur sert à écouter de la musique, écrire, « chatter », « twitter », photographier, filmer, échanger, publier, partager tous éléments numériques, désormais constitutifs de l’identité.

Quoiqu’on en pense, et qu’on le veuille ou non, ce monde des « réseaux sociaux électroniques » est celui dans lequel nous sommes plongés et qui nous est devenu indispensable. Hier, pour être dans le coup dans la cour de récréation, il fallait avoir vu à la télévision le film interdit aux moins de 18 ans. Aujourd’hui, il faut avoir sur son téléphone le dernier happy slapping violent. Bien-sûr, cela est un extrême, et il n’y a pas que cela. Mais cet extrême fait partie du quotidien, ne nous le cachons pas.

Parmi toutes les pratiques des médias, il en est une majeure : l’audiovisuel. Nous sommes abreuvés d’images animées depuis longtemps par la télévision. Ces images, produites professionnellement, ont pour objectif de nous faire rester le plus longtemps et le plus nombreux possible devant l’écran, afin de vendre des espaces publicitaires. Cette industrie était au point. Mais les jeunes passent de moins en moins de temps devant la télévision, ils utilisent de plus en plus le « 3è écran » (internet) et le « 4è écran » (téléphone portable). L’industrie des médias se réinvente donc pour survivre.

Que cherchent les jeunes à travers leurs « terminaux mobiles » ? A faire société, à se connaître, à échanger, à se construire. Ils constituent des « communautés ». Les contenus qu’ils échangent, sont avant tout produits par eux-mêmes : textes, photos, vidéos, sous de multiples modalités de production et de diffusion. L’audience des sites internet et mobiles communautaires (comme Facebook, 400 millions d’inscrits, plus d’audience que Google) est gigantesque. La publicité est donc de plus en plus omniprésente sur ces sites du web 2.0. L’enjeu industriel de ce secteur n’est plus de produire des contenus professionnels séduisants, mais de pousser les utilisateurs à produire et échanger de plus en plus de contenus, afin que les usages et les audiences augmentent.

Chacun porte donc une responsabilité nouvelle, dont on est pour le moins inconscients. Ethique, droit à l’image, liberté d’expression, responsabilité pénale… sont les enjeux profonds de l’image, qu’on voudrait nous faire oublier sur l’autel du plaisir de l’échange et du flux audiovisuel.

Par ailleurs, lorsqu’on tourne une vidéo avec son téléphone portable, et qu’on l’envoie immédiatement sur son « mur » Facebook pour la partager avec sa communauté, il n’y a plus de mots préalables à l’acte de production d’image, ni de mots qui accompagnent sa diffusion. L’acte de production d’image est donc devenu un acte de langage. Mais apprend-t-on à faire des images ? En connaît-on la grammaire ? Non. On sait qu’une société ne peut être démocratique que si ses membres en maîtrisent le langage. C’est pour former des citoyens qu’on apprend à lire et à écrire à l’école. On doit désormais aussi apprendre à fabriquer et diffuser les images. C’est un enjeu pour la démocratie.