Réaliser un film avec un téléphone portable – Ressources

Un pocket film est un film réalisé à l’aide d’un téléphone portable.
C’est donner un regard unique et personnel sur ce que nous voyons, entendons, vivons tous.
C’est transformer l’usage du téléphone que l’on a tous les jours, et s’en saisir comme un moyen d’expression.
C’est passer de simple consommateur à acteur, réalisateur de ses propres films.

→ prendre du recul, faire un pas de côté, parce que l’on a un oeil dans la main. /// Phrase de Romuald / Vatos

Comment réaliser un film?

En bref

  • Attention à  la stabilité des images, pour qu’elle soient nettes, et éviter le flou. Pour cela, il ne faut pas filmer, mais plutôt se rapprocher de ce que l’on souhaite filmer. 
  • Régler la résolution de l’image (le plus souvent « taille de l’image » dans les options en mode caméra)
  • Attention au son! Pour qu’il soit de qualité, et agréable aux oreilles de vos spectateurs, placez-vous le plus proche possible de la source sonore, et évitez le plus possible les bruits d’ambiance. Préférez des endroits calmes. 
  • Attention à la lumière! Faites des repérages, observez autour de vous s’il est possible de faire des contre-jours qui donnent du relief à l’image, choisissez les moments de la journée en fonction de l’ambiance que vous souhaitez créer, etc.
  • Toujours baisser le cadrage par rapport à ce qui nous vient naturellement.
  • Choisissez le genre de film qui vous correspond le mieux: fiction, documentaire, expérimental. Le plus important: racontez une histoire !
  • Raconter une histoire passe aussi par l’écriture du scénario. C’est une étape primordiale pour bien définir ce que l’on souhaite faire passer au spectateur. Pour cela, pourquoi ne pas utiliser une voix-off? 
  • Le plan séquence consiste à filmer en une seule fois, sans aucun montage. Tout est fait au moment du tournage: le titre, le son, l’ensemble du film, le générique. Il suppose de trouver les solutions pour tout faire en direct (diffuser la musique sur un autre téléphone par exemple).

 

Faire de belles images

On a l’impression qu’un film tourné avec un téléphone portable est forcément de très mauvaise qualité, tremblé, flou, inaudible… mais on peut, avec les bonnes manipulations, réussir à faire un film techniquement irréprochable. Suivez le guide, conseils techniques pour tout le monde !

→  des images stables

La première caractéristique que l’on retient des vidéos faites avec téléphone portable est que « ça bouge » ou que « ça tremble ». Souvent, on se sent mauvais caméraman, ou on pense que la qualité de la caméra du téléphone est très mauvaise. Mais ce n’est pas cela ! On a tendance, lorsqu’on filme avec un téléphone, à beaucoup utiliser le zoom, intégré, qui permet, d’une simple pression sur un bouton, de mettre en avant un objet, un visage. C’est presque un réflexe naturel que de zoomer sur ce qui nous intéresse. On est, sans en avoir bien conscience, très habile au maniement de ces appareils. Mais ce dont on ne se rend pas compte, c’est que c’est ce zoom, si pratique, qui est responsable du tremblement des images !

  • 1er secret: ne zoomez jamais, rapprochez-vous si vous voulez montrer quelque chose de plus près.
  • 2ème secret: suivez toujours quelqu’un ou quelque chose, ne faites jamais de mouvements de caméra « volontaires ». En effet, lorsqu’on regarde une image, on est concentré sur le sujet filmé : la personne qui nous parle, l’animal qui nous intéresse, le musicien qui joue, etc.

Si, pour passer à autre chose vous attendez, par exemple, qu’une personne se déplace, que vous la suivez et que cela amène à la deuxième chose que vous souhaitez montrer, alors le spectateur sera toujours resté concentré sur des sujets filmés, et n’aura rien remarqué des mouvements de la caméra. Le film sera « naturel », fluide, sa technique ne sera pas visible. Notez que même dans le cinéma professionnel, dans lequel les caméras sont stables, cette technique est utilisée en permanence.

→  de bonne qualité

La stabilité des images ne suffit pas. Il y a aussi la qualité de grain, de netteté, la texture de l’image. Les images des téléphones portables sont réputées floues et pixellisées. Comment les améliorer ? Plusieurs techniques, exploitables parallèlement, vont vous permettre de changer du tout au tout la qualité strictement technique de l’image.

Tout d’abord, le zoom (encore lui), s’il est employé, dégrade aussi la netteté de l’image (en effet, les zooms des téléphones sont numériques, c’est à dire qu’ils ne font qu’agrandir une partie de l’image originale).

Ensuite, il y a le choix de la « résolution » de l’image, c’est à dire le nombre de pixels qui la composent. Par défaut, les téléphones sont tous réglés sur la plus petite résolution d’image, qui permet d’envoyer de petites vidéos vers un autre téléphone. Pour changer les paramètres et agrandir la taille de l’image, ce n’est pas dans le menu de réglage de votre téléphone. Mettez-vous en mode caméra, allez dans les options, et cherchez « taille de l’image ». Parfois, les plus grandes tailles d’image sont grisées. Il faut alors chercher le menu dans lequel est sélectionné « Pour envoi MMS », et choisir à la place « Clip étendu », ou « Durée mémoire », qui signifie que la durée de prise de vue n’est limitée que par la capacité de la mémoire du téléphone. Ensuite, le réglage de taille d’image sera accessible.

le son : élément primordial

On y pense dans un deuxième temps, alors qu’il est plus important que l’image ! Imaginez un film aux images tremblotantes et mal éclairées mais dont le son est excellent : voix parfaites, musique et bruitages agréables. Vous pouvez suivre ce film avec plaisir. Imaginez maintenant un film aux images somptueuses, mais au son déplorable : on ne comprend pas bien ce qui est dit, on a mal aux oreilles… on décrochera de ce film au bout de deux minutes.

Il semble impossible, avec un simple téléphone, de produire un bon son. On imagine qu’il faut des micros et magnétophones professionnels. Détrompez-vous, le micro des téléphones est plutôt de bonne qualité. D’ailleurs, plusieurs longs métrages de cinéma ont déjà été entièrement tournés avec téléphone portable, image et son. Alors comment faire ? Comme pour l’image, il s’agit d’employer les bonnes techniques. C’est très simple pour le son, il y a trois paramètres :

  • Il faut être le plus proche possible de la source sonore.
  • Il faut prendre garde aux bruits d’ambiance (voitures, brouhaha, etc.), et faire en sorte d’être dans l’endroit le plus calme possible.
  • Il faut déclencher et arrêter de filmer par rapport au son (ne pas couper une phrase en plein milieu, par exemple).

Le zoom est en partie responsable du très mauvais son : si vous filmez quelqu’un en gros plan, grâce au zoom, mais que vous êtes loin de lui, il n’y a pas de système de zoom pour le son, donc sa voix sera complètement inaudible.

Par ailleurs, le micro du téléphone est omnidirectionnel, c’est à dire qu’il enregistre dans toutes les directions. Si derrière vous quelqu’un parle plus fort que celui que vous filmez devant vous, on entendra plus celui qui est derrière !

une bonne lumière

Quelle que soit la qualité technique de la caméra utilisée, une belle lumière rend une image immédiatement séduisante. Qu’est-ce qu’une belle lumière ? Faites avant tout confiance à votre regard, observez ce qui change lorsqu’on se place d’un côté ou de l’autre d’un personnage, par rapport au soleil. Et faites regarder des films de fiction : il y a quasiment toujours un liseré lumineux autour des personnages, qui les détache du fond, et donne du relief à l’image. C’est ce qu’on appelle le contre-jour. C’est plus facile à obtenir le matin ou en fin de journée, lorsque la lumière du soleil est rasante. De même que pour le son, dans un même endroit, avec les mêmes éléments, en fonction de l’endroit où l’on se place, on peut faire une image « plate » ou une image avec du relief. C’est une question d’attention, ce n’est pas une question de taille de la caméra.

un bon cadrage

Le cadrage, bien-sûr, est un élément essentiel. Le principal défaut de cadrage que l’on constate est le centrage du visage dans l’image. C’est une sorte de réflexe, on met le visage au centre. Mais, si on est en plan rapproché, cela a pour effet de couper le buste du personnage, alors qu’il y a un énorme espace vide au dessus de sa tête, et si on est dans un plan large, cela a pour effet de couper les pieds du personnage, alors qu’il y a, aussi, de l’espace libre en haut. Donc, il faut se corriger en permanence : toujours baisser le cadrage par rapport à ce qui nous vient naturellement.

Raconter une histoire

Faire un film, c’est raconter une histoire. Mais comment fait-on pour raconter une histoire ? Quelles sont les techniques spécifiques à l’audiovisuel ? Et pourquoi est-ce si important ?

les genres de films

Il y a trois grands genres de films :

  • la fiction (histoires inventées),
  • le documentaire (point de vue sur la réalité)
  • l’expérimental (travail sur les formes, plastiques, audiovisuelles).

Le fait de raconter une histoire n’est pas spécifique du cinéma de fiction. Qu’est-ce que raconter une histoire ? C’est inscrire le spectateur dans une situation, qui a un début, un milieu et une fin. C’est à dire un point de départ, une situation qui évolue, et un point d’arrivée. Cette évolution peut être strictement visuelle. Par exemple, si on propose de faire un documentaire sur un bâtiment, sans paroles, on va réfléchir à ce qu’on montre au début, ce qu’on fait découvrir peu à peu, et ce qu’on comprend à la fin. C’est bien une histoire qu’on va faire vivre au spectateur.

le scénario

Il est plus facile de concevoir un scénario à plusieurs que seul, car en confrontant les idées, on se rend compte plus vite de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Il s’agit aussi de travailler le point de vue : de quel côté on se place, qu’est-ce qu’on veut transmettre à travers cette histoire que l’on raconte ?

Il ne faut pas hésiter à utiliser la voix-off. Cela, d’une part, donne une certaine facilité à raconter une histoire, même sur des images qui à priori n’en racontent pas une. Cela donne une latitude, au moment éventuel du montage, pour améliorer le film. La parole, la transmission de la parole, est tout de même au point de départ de l’usage du téléphone. Et enfin, construire une parole, écrire un texte, puis le dire, distinctement, est un travail très riche, qui est loin d’être simple, et qui fait parcourir un chemin personnel.

le montage, une difficulté

Le montage est le point difficile des films tournés avec téléphone portable. En effet, les formats des vidéos tournées avec téléphone portable sont tous différents en fonction des marques et des modèles et ne sont, pour la plupart, pas reconnus par les logiciels de montage vidéo habituels. Il faut donc faire préalablement une conversion de format vidéo.

Il prend aussi énormément de temps. Bien-sûr le montage vidéo est une partie intéressante du travail audiovisuel : on peut tout manipuler, tout construire ou reconstruire, et comprendre, apprendre beaucoup.

le plan séquence, une solution

Au quotidien, on ne fait pas de montage. On tourne des séquences, qu’on transmet aux autres. Filmer en plan séquence consiste à filmer en une seule fois, sans aucun montage. C’est filmer peu, mais bien.

Tout est fait au moment du tournage : le titre, le son, l’ensemble du film, le générique. Cela oblige donc les réalisateurs à une concentration très importante. Si l’on veut une voix-off, une musique, il faut trouver des solutions pour les faire en direct. On se met près du téléphone, on diffuse la musique à partir d’un autre téléphone, etc.

C’est une technique qui permet de sentir toute la complexité, et la variété des éléments qui composent un film, puisque l’on doit tous les gérer en même temps.

Droits

Quand on réalise un film, qui sera diffusé, il faut connaître ses droits, mais aussi ses devoirs. On est soumis à la loi française notamment en matière de droit d’auteur (articles L111-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle). Il est interdit de copier une création existante, parce que son auteur en possède les droits. Il faut donc que votre film soit libre de droits, et réalisé par vous. Par contre, il est tout à fait possible de parodier des films existants, comme le fait Michel Gondry dans son film “Rembobinez s’il vous plaît” (2008). Mais le plus important reste votre imagination et votre créativité !

De plus, il existe une loi sur la protection des personnes physiques, de leur vie privée et de leur image (article 9 du Code civil). Elle suppose de s’assurer de l’accord des personnes présentes dans le film (ou de ses parents ou tuteur légal) pour que leur image soit diffusée.

Enfin, seront refusés dans le cadre de ce projet tous les films à caractère notamment vulgaire, raciste, diffamatoire, discriminant ou portant atteinte à la dignité humaine, contraire aux bonnes moeurs et/ou à l’ordre public. Par exemple, les films de type “happy slapping”, malheureusement à la mode, ne seront pas acceptés.

Ressources à destination des professionnels

 Le concept

Le principe du pocket film est d’être réalisé avec un téléphone portable. Il constitue une transformation de l’usage quotidien que l’on a de cet outil. C’est questionner la relation que nous avons à l’objet qui importe ; aller au-delà d’une position de simple consommateur, remettre en cause les codes établis dans une société du « toujours plus connecté partout et à tout moment ». C’est prendre en main son environnement, et en avoir un regard différent. Faire un pas de côté pour mieux comprendre ce qui nous entoure. Déplacer le regard que l’on a sur notre quotidien, pour en avoir une vision plus large. Modifier la focale. Prendre du recul.

C’est se construire une position critique et qui nous est propre dans une société qui dicte la façon dont les choses doivent être consommées. L’objet est là, il est partout ; nous nous en saisissons comme un moyen d’émancipation et d’expression personnelle.

C’est aussi une transformation de ce qui est considéré comme étant d’ordre artistique qui s’opère. La culture est partout, elle se situe dans chacun de nous. Une habitude, un mode de vie, une anecdote, une aventure du quotidien, toute chose est susceptible d’être invoquée et utilisée dans une démarche artistique. La culture qui vient du bas ? C’est surtout de la culture que nous vivons tous les jours dont nous parlons ici. Nous sommes construit par notre environnement, c’est ce qui fait de nous des êtres culturels. Notre singularité vient enrichir le « nous » que nous formons, à différentes échelles. Exprimer ce « nous », ce « je » avec des moyens ordinaires, partagés par tous, permet une reconfiguration de ce qui fait société, une réappropriation de tout ce qui nous entoure et nous touche.

Réaliser un film avec un téléphone portable : de la créativité à la citoyenneté

Le téléphone portable est dans toutes les poches. Qu’on le veuille ou non, cet objet commercial a changé notre vie : éclatement de la sphère privée, évolution de la perception de l’espace et du temps, nouvelles façons d’écrire… notre prothèse de communication ne nous quitte jamais. En 2004, la caméra vidéo est arrivée dans les téléphones. Tous les adolescents ont désormais un téléphone-caméra. Et d’ici peu, il n’y aura plus de téléphones sans caméra. Elle est obligatoire, car elle est là pour nous vendre de nouveaux services ! Mais outre rendre quelques sociétés privées plus riches encore, qu’est-ce que cette caméra omniprésente va nous infliger ? Et comment, en tant qu’enseignant ou animateur, la retourner pour en faire un outil d’éducation et de socialisation ?

Le téléphone-caméra au coeur du social

Les adultes utilisent leur téléphone portable pour téléphoner. Ce n’est pas le cas des adolescents ! Le téléphone portable, objet indispensable à la socialisation, leur sert à écouter de la musique, écrire, « chatter », « twitter », photographier, filmer, échanger, publier, partager tous éléments numériques, désormais constitutifs de l’identité.

Quoiqu’on en pense, et qu’on le veuille ou non, ce monde des « réseaux sociaux électroniques » est celui dans lequel nous sommes plongés et qui nous est devenu indispensable. Hier, pour être dans le coup dans la cour de récréation, il fallait avoir vu à la télévision le film interdit aux moins de 18 ans. Aujourd’hui, il faut avoir sur son téléphone le dernier happy slapping violent. Bien-sûr, cela est un extrême, et il n’y a pas que cela. Mais cet extrême fait partie du quotidien, ne nous le cachons pas.

Parmi toutes les pratiques des médias, il en est une majeure : l’audiovisuel. Nous sommes abreuvés d’images animées depuis longtemps par la télévision. Ces images, produites professionnellement, ont pour objectif de nous faire rester le plus longtemps et le plus nombreux possible devant l’écran, afin de vendre des espaces publicitaires. Cette industrie était au point. Mais les jeunes passent de moins en moins de temps devant la télévision, ils utilisent de plus en plus le « 3è écran » (internet) et le « 4è écran » (téléphone portable). L’industrie des médias se réinvente donc pour survivre.

Que cherchent les jeunes à travers leurs « terminaux mobiles » ? A faire société, à se connaître, à échanger, à se construire. Ils constituent des « communautés ». Les contenus qu’ils échangent, sont avant tout produits par eux-mêmes : textes, photos, vidéos, sous de multiples modalités de production et de diffusion. L’audience des sites internet et mobiles communautaires (comme Facebook, 400 millions d’inscrits, plus d’audience que Google) est gigantesque. La publicité est donc de plus en plus omniprésente sur ces sites du web 2.0. L’enjeu industriel de ce secteur n’est plus de produire des contenus professionnels séduisants, mais de pousser les utilisateurs à produire et échanger de plus en plus de contenus, afin que les usages et les audiences augmentent.

Chacun porte donc une responsabilité nouvelle, dont on est pour le moins inconscients. Ethique, droit à l’image, liberté d’expression, responsabilité pénale… sont les enjeux profonds de l’image, qu’on voudrait nous faire oublier sur l’autel du plaisir de l’échange et du flux audiovisuel.

Par ailleurs, lorsqu’on tourne une vidéo avec son téléphone portable, et qu’on l’envoie immédiatement sur son « mur » Facebook pour la partager avec sa communauté, il n’y a plus de mots préalables à l’acte de production d’image, ni de mots qui accompagnent sa diffusion. L’acte de production d’image est donc devenu un acte de langage. Mais apprend-t-on à faire des images ? En connaît-on la grammaire ? Non. On sait qu’une société ne peut être démocratique que si ses membres en maîtrisent le langage. C’est pour former des citoyens qu’on apprend à lire et à écrire à l’école. On doit désormais aussi apprendre à fabriquer et diffuser les images. C’est un enjeu pour la démocratie.